mardi 9 juillet 2013

Demelenne ventriloque du PS ?

© Belga
Le véritable auteur d’un document controversé de neuf pages sur le «pilier socialiste» signé par la secrétaire générale de la FGTB, Anne Demelenne, serait le directeur adjoint du Centre d’études du PS, Gilles Doutrelepont. C’est en tout cas ce qu’indiquent les propriétés du document. Les intéressés démentent.

C’est un micro-parti membre du Front des gauches, la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), qui a levé ce lièvre dans un article intitulé «Il faut sauver le soldat Di Rupo» publié dimanche sur son site internet: un texte signé Anne Demelenne aurait été rédigé par le directeur adjoint de l’Institut Emile Vandervelde, le Centre d’études du PS. Info ou intox? L’article de la LCR, nous dit-on, circule depuis lundi au sein de la rue Haute et alimente bien des conversations.

De quoi parle cet article? D’un texte de neuf pages sur l’«action commune socialiste», c’est-à-dire les synergies historiques entre le parti, le syndicat, la mutualité et les coopératives socialistes, permettant à tous ces acteurs, lorsque le contexte le permet, de défendre côte-à-côte la même stratégie politique. Ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui.

Ce texte, signé par Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB, a été rédigé pour la campagne «Citoyens engagés» initiée par l’Institut Emile Vandervelde (IEV) et le PS, dans la foulée du Congrès qu’a tenu le parti socialiste à l’université libre de Bruxelles le 21 avril dernier. Cette «opération de réflexion», qui vise à mobiliser les troupes socialistes en vue des élections de juin 2014, se décline en 25 thématiques et plus de 120 questions. Pour chaque question, le PS a «demandé à des personnes ressources de rédiger un texte d’une dizaine de pages», explique le parti du boulevard de l’Empereur sur son site internet.

Or les propriétés du fichier PDF du texte signé par Anne Demelenne révèlent un tout autre auteur que la syndicaliste: Gilles Doutrelepont. Cet ancien délégué à la rénovation du PS (2005-2009), secrétaire général adjoint du PS (2008-2009), puis directeur de cabinet de la ministre de la Culture et de l’Audio-visuel Fadila Laanan (2009-2013), est depuis février 2013 le directeur adjoint de l’Institut Emile Vandervelde (IEV).



«Aucun texte retouché»

D’après son site internet, l’IEV «se consacre à la recherche concernant toutes les questions d’ordre économique, social, financier, administratif, politique, éthique et juridique qui se posent au Parti et à ses organisations. [...] [Il] est à la disposition du Président du PS, de son Bureau, des membres des groupes parlementaires socialistes.» Pas de la FGTB, qui se revendique indépendante du boulevard de l’Empereur.

Le PDF a été créé le 18 avril, trois jours avant le Congrès du PS. Ses propriétés indiquent qu’il a été confectionné à partir d’un fichier Word lui-même créé par Gilles Doutrelepont, ce qui pourrait suggérer que le directeur adjoint de l’IEV serait le véritable auteur du texte contenu dans le PDF.

Contacté par Marianne, Gilles Doutrelepont dément avoir tenu la plume d’Anne Demelenne: «Tous les contributeurs m’ont envoyé leur texte par email. On n’a touché à aucun point de fond dans aucun texte. Je pense que personne n’aurait apprécié ou toléré qu’on retouche son texte. On leur a envoyé une fiche-type qui contenait quatre cadres: contexte, enjeux, propositions concrètes, et synthèse. Tous n’ont pas respecté la structure. Nous avons donc dû remettre en pages certains fichiers pour les avoir dans un format harmonisé diffusable, puis nous les avons transformés en PDF à partir d’un ordinateur du PS.»

Pourtant, les propriétés du texte d’autres contributeurs ne renseignent pas Gilles Doutrelepont comme l’auteur de leurs contributions. Le texte du politologue de l’ULB Pascal Delwit, par exemple, mentionne «ULB» comme auteur. Les propriétés du texte de Marcel Crahay, pédagogue à l’université de Liège, indiquent «Marcel CRAHAY». Celles de la contribution de François le Hodey, administrateur délégué du groupe IPM (La Libre, La DH, etc.), renseignent «le Hodey François». Pourquoi donc les noms réels de ces auteurs ou de leur institution apparaissent-ils dans leurs PDF respectifs et pas le nom d’Anne Demelenne ou de la FGTB dans le sien? «Ça je n’en sais rien, je ne sais pas comment fonctionne Windows», botte en touche Gilles Doutrelepont, prétextant un problème lié au système d’exploitation de son ordinateur... Voilà pour la forme.

«Tout sonne faux»

Sur le fond, la LCR s’interroge: «Anne Demelenne a-t-elle vraiment écrit ce texte?» Car «tout dans ce texte sonne faux» et l’on «n’y sent pas une logique syndicale. […] Les seuls moments où l’on évoque les luttes [syndicales] c’est quand elles gênent le PS. […] Anne Demelenne lui trouve même des “circonstances atténuantes”: “Face aux autres membres de la majorité, le PS est assez isolé […] il ne peut endiguer totalement les revendications outrancières des autres partis (transferts de compétences, dégressivité des allocations de chômage, réforme des fins de carrière, flexibilité…).”»

La formation d’extrême-gauche relève aussi une «erreur grossière» dans le texte, qui situe la guerre civile espagnole (1936-1939) dans les années... cinquante. Et commente: «Le texte semble maladroitement repris, sans aucune vérification, du site de l’Institut liégeois d’histoire sociale», un centre d’archives privées créé avec le soutien notamment de la Fédération liégeoise du PS et de la Fédération des mutualités socialistes et syndicales (FMSS).

Quant à la conclusion d’Anne Demelenne, elle «laisse perplexe» le parti du Front des gauches. La secrétaire générale de la FGTB estime en effet qu’«un travail de reconstruction est à faire par rapport à la confiance [en le PS] perdue chez certains militants de la FGTB». La petite formation politique s’en étonne: «Anne Demelenne considère donc que sa tâche consiste à reconstruire la confiance perdue dans le PS?»

La secrétaire générale balaye ces critiques d’un revers de main: «C’est une personne du service d’études de la FGTB qui a rédigé ce texte, que j’ai personnellement finalisé. J’en assume totalement le contenu. Dire que l’IEV en est l’auteur est un mensonge éhonté.»

Depuis plusieurs mois, au sein de la FGTB, des rumeurs insistantes prêtent à Anne Demelenne l’intention de rendre son tablier lors du congrès de la FGTB d’octobre 2014, et de figurer en position éligible sur les listes électorales du PS lors des élections de juin 2014. Cet épisode «du PDF» ne va vraisemblablement pas les éteindre...

David Leloup

3 commentaires:

  1. Cet article est n'importe quoi... ça ne veut rien dire ! En tant que président des Jeunes Socialistes, je suis également l'auteur d'une note pour les citoyens engagés (que j'ai rédigé avec l'appui de quelques camarades mais personnes de l'IEV) et quand on regarde dans les propriété du document, c'est Baptiste Meur qui apparaît (collaborateur à l'IEV), pourtant, il n'a pas touché à une ligne du texte, il l'a juste transformé en format PDF... Marianne Belgique ferait bien d'arrêter de raconter des carabistouilles ou de faire du journalisme de caniveaux !

    RépondreSupprimer
  2. Même si il y a des doutes possibles (peu!) sur l'auteur, il n'y a pas de doute possible sur le fond du texte. Il a bien été "soufflé" par le PS. D'ailleurs nous avions prévu la réponse d'Ann Demelenne et nous écrivions à la fin de l'article « Non, c’est au sein de la FGTB que je me suis fait aider» ? Ou « j’endosse la responsabilité totale de ce texte ».
    Rien n’y change. On sent la patte du PS qui prépare des élections cruciales avec autant de sérieux qu’il met à préparer ses plans d’austérité au gouvernement et autant d’agressivité contre les syndicalistes qui les combattent. Et tout autant de soin à cajoler des directions syndicales qui lui sont soumises.

    RépondreSupprimer