jeudi 18 juillet 2013

Philippe, président d’honneur d’une société qui a investi dans les paradis fiscaux


(c) BELGA
Déjà une casserole dans le CV du futur souverain...

On a dit du futur roi Philippe qu’il était sans doute l’un des princes héritiers les mieux préparés pour occuper la fonction royale. D’ailleurs, sur le site du palais, la lecture du CV du prince donnerait le vertige à n’importe qui. Cela, c'était pour le discours officiel... Mais dans n’importe quel CV, il peut y avoir quelques casseroles, légitimes ou non. On l’a dit et répété ces derniers jours, l’intérêt important que le prince a consacré ces vingt dernières années aux missions économiques. Certains n’hésitent pas non plus à critiquer cet intérêt trop marqué du futur souverain pour ce monde des affaires qu'il affectionne tout particulièrement. 

vendredi 12 juillet 2013

Intradel: Alain Mathot a-t-il touché des pots-de-vin?

Le White Lady of Man, un luxueux yacht loué en 2008 par Léon-François Deferm pour Alain Mathot, avec des fonds issus de commissions occultes présumées dans le dossier de l’incinérateur Uvelia inauguré en 2009 à Herstal.

Depuis son inculpation le 29 novembre 2011 pour corruption passive et blanchiment d’argent, la question est sur toutes les lèvres: Alain Mathot, député-bourgmestre socialiste de Seraing, a-t-il touché des pots-de-vin dans l’affaire Intradel-Uvelia? Dans un dossier exclusif de 15 pages à paraître ce samedi, Marianne dévoile de nouveaux éléments concernant l’une des plus grandes affaires de corruption jamais mise au jour en Belgique.

Avant son inauguration fin 2009, Uvelia, l’incinérateur de l’intercommunale Intradel à Herstal, a fait son tour de chauffe en recyclant des dessous-de-table payés par la firme française Inova pour s’assurer ce marché public de plus de 170 millions d’euros. Via trois filières de fausses factures, près de 13 millions auraient ainsi été soutirés des poches des contribuables wallons pour gonfler celles de quelques élus, consultants et hommes d’affaires. Deux personnes au moins sont en aveux: le corrupteur (Philippe Leroy, ancien patron d’Inova) et un des faux-facturiers (Alain Basilien, ex-échevin hennuyer socialiste). Cette méga-instruction, initiée en 2007 à Liège par une lettre anonyme, devrait être clôturée d’ici quelques semaines.

Alain Mathot jouit bien sûr de la présomption d’innocence. Inculpé ne veut pas dire coupable, loin de là. L’homme a toujours hurlé n’avoir commis aucun acte illégal. Quand l’ex-patron d’Inova a déclaré aux enquêteurs avoir remis au député-bourgmestre de Seraing quelque 722.000 euros dans des enveloppes, lors de discrets rendez-vous dans des hôtels et brasseries parisiens, Alain Mathot a déposé plainte pour calomnie et diffamation contre son accusateur. Reste que, selon nos informations, l’étau judiciaire semble lentement se resserrer autour du socialiste sérésien.

Le yacht et la panaméenne

En août 2008, Alain Mathot a passé un séjour d’une semaine à la Côte d’Azur sur le White Lady of Man, un luxueux yacht de 23 mètres. Il était accompagné par sa directrice de cabinet, un de ses échevins et l’épouse de celui-ci. L’enquête judiciaire a montré que le yacht avait été loué 32.000 euros par Cartwright Corp. Inc., une société panaméenne pilotée par l’homme d’affaires belge Léon-François Deferm, un ami de feu Guy Mathot. Or les enquêteurs liégeois ont découvert que 583.000 euros versés sur le compte de cette offshore proviennent d’Inova via une cascade de fausses factures présumées.

L’argent a d’abord été versé par Inova à la société TPS Techno Projets (Belgique), qui l’a ensuite reversé à Oekotec (Liechtenstein), qui l’a enfin transféré sur un compte personnel de Léon-François Deferm ouvert à la Banque de Luxembourg. Deferm a ainsi touché un million d’Oekotec pour des services de consultance soupçonnés être fictifs. De ce million, il retirera 935.627 euros en espèces lors de plusieurs opérations et en versera quelque 583.000 sur le compte de Cartwright ouvert au sein de la même banque.

Des contacts avec le corrupteur

Alors qu’il prétendait, lors de sa première audition, situer à peine le PDG d’Inova, Alain Mathot, confronté aux enquêteurs qui lui ont mis sous le nez ses relevés téléphoniques Proximus et Mobistar, fut contraint de reconnaître que, oui, il avait bel et bien parlé à l’homme d’affaires français à de nombreuses reprises. Entre le 1er juin 2006 et le 31 décembre 2008, les enquêteurs auraient recensé près d’une cinquantaine d’appels entre les deux hommes. Les 21, 22 et 23 mars 2007, par exemple, Leroy et Mathot se sont appelés pas moins de 12 fois.

Des allers-retours discrets à Paris

L’enquête pénale a en outre établi la présence d’Alain Mathot à de très nombreuses reprises dans des brasseries et hôtels parisiens. Soit le type de lieux où Leroy affirme avoir remis des enveloppes de cash au député-bourgmestre de Seraing. Les relevés de carte de crédit du mayeur socialiste révèlent par exemple qu’il était présent dans la capitale française le 6 mars 2007 à l’hôtel Baltimore, le 9 juillet 2007 dans un établissement du XXe arrondissement, le 5 novembre 2007 au Méridien Etoile… Justification de l’intéressé? «J’aime bien Paris.» Ces allers-retours fréquents dans la Ville lumière ne prouvent rien, bien sûr, mais tendent à confirmer la version de l’ex-patron d’Inova.

Des dépenses suspectes pour 200.000 euros

Enfin, les enquêteurs ont disséqué les dépenses d’Alain Mathot sur la période 2002-2010. Le bourgmestre de Seraing aurait réalisé des dépenses suspectes, en liquide, pour un montant qui avoisinerait 200.000 euros. Ce cash ne proviendrait pas de retraits bancaires réalisés à un guichet ou à des distributeurs de billets. Les 11 et 21 décembre 2007, Alain Mathot paie cash un total de 11.057 euros pour un voyage en Argentine, alors qu’il n’aurait retiré que 4.000 euros en liquide depuis le 2 octobre. Le 18 mai 2009, il dépense 13.752 euros cash pour un séjour en Thaïlande, du matériel audio-visuel et du mobilier. Or depuis le 10 mars, ses retraits d’argent liquide ne s’élèveraient qu’à 2.750 euros. Les enquêteurs pensent qu’il s’agit là de blanchiment d’une partie des commissions que lui aurait versées Philippe Leroy

Pour Alain Mathot, la justice veut «fabriquer un coupable»

Dans une réaction envoyée à Marianne, Alain Mathot s’en prend au travail et à l’indépendance de la justice: «La question n’est pas ici de chercher la vérité mais bien, en utilisant les médias, de fabriquer un coupable même s’il est innocent.» Et il continue de clamer haut et fort son innocence: «Pour votre information, sachez que pas un seul des éléments relevés par les enquêteurs et qui me concernait n’est resté sans une réponse justifiée et étayée. Sachez également que ces réponses prouvent que je n’ai pas posé un seul acte contraire à la légalité.»

David Leloup

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mardi 9 juillet 2013

Demelenne ventriloque du PS ?

© Belga
Le véritable auteur d’un document controversé de neuf pages sur le «pilier socialiste» signé par la secrétaire générale de la FGTB, Anne Demelenne, serait le directeur adjoint du Centre d’études du PS, Gilles Doutrelepont. C’est en tout cas ce qu’indiquent les propriétés du document. Les intéressés démentent.

C’est un micro-parti membre du Front des gauches, la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), qui a levé ce lièvre dans un article intitulé «Il faut sauver le soldat Di Rupo» publié dimanche sur son site internet: un texte signé Anne Demelenne aurait été rédigé par le directeur adjoint de l’Institut Emile Vandervelde, le Centre d’études du PS. Info ou intox? L’article de la LCR, nous dit-on, circule depuis lundi au sein de la rue Haute et alimente bien des conversations.

De quoi parle cet article? D’un texte de neuf pages sur l’«action commune socialiste», c’est-à-dire les synergies historiques entre le parti, le syndicat, la mutualité et les coopératives socialistes, permettant à tous ces acteurs, lorsque le contexte le permet, de défendre côte-à-côte la même stratégie politique. Ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui.

Ce texte, signé par Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB, a été rédigé pour la campagne «Citoyens engagés» initiée par l’Institut Emile Vandervelde (IEV) et le PS, dans la foulée du Congrès qu’a tenu le parti socialiste à l’université libre de Bruxelles le 21 avril dernier. Cette «opération de réflexion», qui vise à mobiliser les troupes socialistes en vue des élections de juin 2014, se décline en 25 thématiques et plus de 120 questions. Pour chaque question, le PS a «demandé à des personnes ressources de rédiger un texte d’une dizaine de pages», explique le parti du boulevard de l’Empereur sur son site internet.

Or les propriétés du fichier PDF du texte signé par Anne Demelenne révèlent un tout autre auteur que la syndicaliste: Gilles Doutrelepont. Cet ancien délégué à la rénovation du PS (2005-2009), secrétaire général adjoint du PS (2008-2009), puis directeur de cabinet de la ministre de la Culture et de l’Audio-visuel Fadila Laanan (2009-2013), est depuis février 2013 le directeur adjoint de l’Institut Emile Vandervelde (IEV).



«Aucun texte retouché»

D’après son site internet, l’IEV «se consacre à la recherche concernant toutes les questions d’ordre économique, social, financier, administratif, politique, éthique et juridique qui se posent au Parti et à ses organisations. [...] [Il] est à la disposition du Président du PS, de son Bureau, des membres des groupes parlementaires socialistes.» Pas de la FGTB, qui se revendique indépendante du boulevard de l’Empereur.

Le PDF a été créé le 18 avril, trois jours avant le Congrès du PS. Ses propriétés indiquent qu’il a été confectionné à partir d’un fichier Word lui-même créé par Gilles Doutrelepont, ce qui pourrait suggérer que le directeur adjoint de l’IEV serait le véritable auteur du texte contenu dans le PDF.

Contacté par Marianne, Gilles Doutrelepont dément avoir tenu la plume d’Anne Demelenne: «Tous les contributeurs m’ont envoyé leur texte par email. On n’a touché à aucun point de fond dans aucun texte. Je pense que personne n’aurait apprécié ou toléré qu’on retouche son texte. On leur a envoyé une fiche-type qui contenait quatre cadres: contexte, enjeux, propositions concrètes, et synthèse. Tous n’ont pas respecté la structure. Nous avons donc dû remettre en pages certains fichiers pour les avoir dans un format harmonisé diffusable, puis nous les avons transformés en PDF à partir d’un ordinateur du PS.»

Pourtant, les propriétés du texte d’autres contributeurs ne renseignent pas Gilles Doutrelepont comme l’auteur de leurs contributions. Le texte du politologue de l’ULB Pascal Delwit, par exemple, mentionne «ULB» comme auteur. Les propriétés du texte de Marcel Crahay, pédagogue à l’université de Liège, indiquent «Marcel CRAHAY». Celles de la contribution de François le Hodey, administrateur délégué du groupe IPM (La Libre, La DH, etc.), renseignent «le Hodey François». Pourquoi donc les noms réels de ces auteurs ou de leur institution apparaissent-ils dans leurs PDF respectifs et pas le nom d’Anne Demelenne ou de la FGTB dans le sien? «Ça je n’en sais rien, je ne sais pas comment fonctionne Windows», botte en touche Gilles Doutrelepont, prétextant un problème lié au système d’exploitation de son ordinateur... Voilà pour la forme.

«Tout sonne faux»

Sur le fond, la LCR s’interroge: «Anne Demelenne a-t-elle vraiment écrit ce texte?» Car «tout dans ce texte sonne faux» et l’on «n’y sent pas une logique syndicale. […] Les seuls moments où l’on évoque les luttes [syndicales] c’est quand elles gênent le PS. […] Anne Demelenne lui trouve même des “circonstances atténuantes”: “Face aux autres membres de la majorité, le PS est assez isolé […] il ne peut endiguer totalement les revendications outrancières des autres partis (transferts de compétences, dégressivité des allocations de chômage, réforme des fins de carrière, flexibilité…).”»

La formation d’extrême-gauche relève aussi une «erreur grossière» dans le texte, qui situe la guerre civile espagnole (1936-1939) dans les années... cinquante. Et commente: «Le texte semble maladroitement repris, sans aucune vérification, du site de l’Institut liégeois d’histoire sociale», un centre d’archives privées créé avec le soutien notamment de la Fédération liégeoise du PS et de la Fédération des mutualités socialistes et syndicales (FMSS).

Quant à la conclusion d’Anne Demelenne, elle «laisse perplexe» le parti du Front des gauches. La secrétaire générale de la FGTB estime en effet qu’«un travail de reconstruction est à faire par rapport à la confiance [en le PS] perdue chez certains militants de la FGTB». La petite formation politique s’en étonne: «Anne Demelenne considère donc que sa tâche consiste à reconstruire la confiance perdue dans le PS?»

La secrétaire générale balaye ces critiques d’un revers de main: «C’est une personne du service d’études de la FGTB qui a rédigé ce texte, que j’ai personnellement finalisé. J’en assume totalement le contenu. Dire que l’IEV en est l’auteur est un mensonge éhonté.»

Depuis plusieurs mois, au sein de la FGTB, des rumeurs insistantes prêtent à Anne Demelenne l’intention de rendre son tablier lors du congrès de la FGTB d’octobre 2014, et de figurer en position éligible sur les listes électorales du PS lors des élections de juin 2014. Cet épisode «du PDF» ne va vraisemblablement pas les éteindre...

David Leloup

samedi 6 juillet 2013

Arnaud Lagardère placardise son «suicide médiatique»

«Allez, on chante, là!»: la maman de Jade Foret et belle-mère de «Nono» lui intime l’ordre d’entonner la Marseillaise lors d’un match au stade de France.
EXCLUSIF. L’homme d’affaires français Arnaud Lagardère a racheté, via sa filiale Lagardère Thématiques, les droits de diffusion en France du reportage «La belle, le milliardaire, et la discrète». Lors de sa première diffusion, en novembre 2012 sur la RTBF, ce long sujet intimiste a été qualifié de «suicide médiatique» pour l’homme d’affaires. Avec cet achat, Lagardère neutralise toute diffusion télé en France d’un reportage compromettant pour son image et celle de son empire médiatique.

Vous vous souvenez de «La belle, le milliardaire, et la discrète», ce reportage de Tout ça (ne nous rendra pas le Congo) sur l’idylle d’Arnaud Lagardère avec le top-model belge Jade Foret? Ces 43 minutes de surréalisme narquois qui ont fait un gros buzz en novembre dernier, où la maman de la belle infantilise l’industriel français en le rebaptisant «Nono» et en se moquant gentiment de lui? Où l’on découvre que l’homme d’affaires de 52 ans, à la tête d’un groupe de 27.000 salariés, est un peu complexé par sa petite taille et s’est fait tatouer sur le tibia un cœur transpercé d’une dague avec le nom de son amoureuse de 30 ans sa cadette? Qu’il chante faux et ne connaît pas les paroles de la Marseillaise? Qu’il rate la cuisson de ses steaks hachés et, quand il prépare un feu de cheminée, Jade lui lance: «T’as de belles petites fesses… Elles sont qu’à moi.»

A l’époque, les commentateurs avaient parlé de prestation «ridicule», de «cas sans précédent dans toute l'histoire du patronat français», de «suicide médiatique» et de «coup de massue pour les actionnaires de Lagardère»… La perspective d’une diffusion de ce programme en prime-time dans l’Hexagone était donc à éliminer au plus vite pour «Nono». C’est désormais chose faite.

MCM et trois chaînes «jeunesse»

Marianne Belgique est en mesure de révéler que les droits de diffusion de la saison 2012 de Tout ça – 18 sujets dont cette petite bombe, regroupés en sept émissions – ont récemment été acquis, pour la France, par… Lagardère Thématiques, filiale du groupe éponyme. Au placard donc, le suicide médiatique de «Nono»! Car à moins que le milliardaire ne soit particulièrement masochiste ou veuille s’afficher comme le nouveau roi de l’autodérision, on a vraiment du mal à imaginer que «La belle, le milliardaire, et la discrète» soit un jour diffusé par l’une de ses chaînes de télévision. D’autant qu’elles n’ont pas vraiment le profil pour ce genre de programme: le groupe possède une chaîne musicale (MCM) et trois chaînes «jeunesse»: Gulli (familiale), Canal J (pour les 7-14 ans) et TiJi (moins de 7 ans)…

Comment s’est opérée cette «mise sous cloche» d’un reportage sapant l’image de ce grand patron du CAC40? Tout simplement. L’émission Tout ça est produite par la RTBF, mais c’est une de ses filiales, la Sonuma, qui a pour mandat de commercialiser les programmes et archives de la chaîne publique belge. En novembre 2012, un distributeur parisien, NeweN Distribution, frappe à la porte de la Sonuma pour acquérir les droits de distribution mondiaux de la saison 2012 de l’émission.

Un «sous-marin» de Lagardère?

«Ils nous ont fait une proposition intéressante, en fonctionnant avec une commission de vente et une rétribution de la Sonuma sur le reste, avec un minimum garanti – c’est-à-dire une avance sur les recettes – très important par rapport à ce que nous aurions pu toucher si on avait commercialisé nous même la saison, se souvient François-Xavier Schlesser, responsable commercial à la Sonuma. Pour ce type d’épisodes d’une durée d’une heure, ils nous ont offert des montants qui correspondent plusieurs fois au coût de la valeur d’une diffusion sur la RTBF, ou sur un territoire comme la Belgique. C’était un très beau chiffre. Chaque épisode a été valorisé», poursuit le commercial, qui se refuse à nous communiquer le montant de la transaction.

Sur la toile, le buzz avait démarré dès le 6 novembre, une semaine avant la diffusion du sujet sur la RTBF. Selon nos informations, le deal entre NeweN et la Sonuma a été signé le 13 novembre 2012, la veille de la diffusion. Cette coïncidence de dates est-elle le signe que NeweN agissait en «sous-marin» pour Lagardère? Rien ne l’indique, et NeweN dément ce scénario: «Une fois que nous avons acquis les droits de distribution pour le monde entier, nous l’avons fait savoir à nos clients», explique Laetitia Recayte, directrice générale de NeweN. Tous ses clients ont été informés en même temps de cette opportunité d’achat, affirme-t-elle.

Vendu au plus offrant

Invoquant le secret commercial, Laetitia Recayte refuse de confirmer avoir vendu ces droits de diffusion au groupe Lagardère: «On ne se bousculait pas au portillon pour acquérir ces droits. Je peux juste vous dire que nous les avons vendus au plus offrant.» Une offre de France 3, partenaire historique de la RTBF pour la production et la diffusion de l’émission Strip-Tease (l’ancêtre de Tout ça), aurait été supplantée largement par l’offre de Lagardère.

NeweN aurait assuré la Sonuma que le programme a été acheté pour être diffusé. Mais en réalité, aucune garantie contractuelle n’existe sur ce plan, ce que la Sonuma confirme: «Malheureusement non. Mais j’espère que la série sera diffusée, et que NeweN a pris toutes les précautions pour s’en assurer», commente François-Xavier Schlesser, qui envisage à l’avenir d’ajouter une clause dans les contrats afin qu’en cas de non-diffusion d’un programme vendu, les auteurs soient rétribués par le distributeur pour compenser la perte financière liée à cette non-diffusion.

Aucune garantie de diffusion selon le contrat

Car la RTBF, qui a produit et réalisé la série, est également rétribuée (plus modestement) lors de chaque diffusion d’un programme vendu, rappelle-t-on à la Sonuma: «N’oubliez pas que ceux qui produisent des programmes touchent des droits lors de la vente des droits de diffusion, mais aussi lors de la diffusion même, au travers des filières droits d’auteur et autres. Pour un auteur, un producteur, la vente des droits n’est pas une fin en soi. L’objectif est que le programme soit vu.» Notamment pour que le robinet à euros coule une seconde fois.

Bref, une mise au placard par Lagardère de la saison 2012 de Tout ça serait synonyme de pertes de rentrées pour la RTBF et les réalisateurs des 18 reportages concernés. Laetitia Recayte confirme en effet que lorsque NeweN vend des droits de diffusion, cela n’implique «aucune garantie de diffusion». Le distributeur vend au plus offrant pour son client. Point.

Placard à durée indéterminée

Reste une question: combien de temps le reportage «La belle, le milliardaire, et la discrète» va-t-il rester bloqué dans un tiroir chez Lagardère? La durée d’exploitation des droits de diffusion d’un programme peut varier «de quelques semaines à quelques années», répond Laetitia Recayte en théorie. Et à expiration des droits, rien n’empêcherait Lagardère de les acheter à nouveau pour maintenir le verrou sur une diffusion hexagonale.

Sur la toile, le sujet n’est pas disponible sur Dailymotion, la plateforme française de partage de vidéos, mais bien sur YouTube. Où il n’a été vu que 6.500 fois. Bien moins que les centaines de milliers voire les millions de vues auxquelles il pourrait prétendre en cas de diffusion télé en prime-time en France.

Contacté, le groupe Lagardère n’a pas donné suite à nos questions.

David Leloup


Précision (07/07/2013 @ 12:04) :

François-Xavier Schlesser, responsable commercial à la Sonuma, tient à préciser qu’il a intégré la Sonuma en janvier 2013, donc deux mois après la vente des droits de l’émission Tout ça au distributeur NeweN. Il ajoute: «A l’avenir, nous distribuerons nous-mêmes nos programmes sans passer par un intermédiaire. Et je peux vous assurer que jamais nous n’aurions vendu les droits de “La belle, le milliardaire et la discrète” à Lagardère.»