vendredi 20 décembre 2013

Cigarette électronique: des experts en plein conflit d’intérêts?

Depuis 2006, le Dr Nackaerts (KU Leuven) conseille Pfizer sur le Champix, un produit concurrent de l’e-cigarette. Photo: Belga
Deux des six experts qui ont signé le récent avis du Conseil supérieur de la santé réticent à l’e-cigarette ont été rémunérés par des firmes pharmaceutiques qui commercialisent des substituts à la cigarette, tels Champix ou Nicorette, ou de lucratifs médicaments contre le cancer du poumon. Un troisième expert est un ancien consultant de Philip Morris.

L’avis du Conseil supérieur de la santé (CSS), publié le 11 décembre, n’est guère tendre avec l’e-cigarette: il émet une «certaine réticence» à sa «mise à disposition générale». Les «vapoteurs» ont immédiatement crié au scandale, voyant derrière cet avis la main de Big Pharma ou Big Tobacco. Fantasmes paranoïaques?

Janssen, Pfizer, Eli Lilly...

Pas sûr: deux des six experts qui ont signé cet avis ont eu des liens récents avec l’industrie pharmaceutique, selon leurs déclarations d’intérêts consultées par Marianne (voir documents ci-dessous). Le Dr Vincent Lustygier, chef de clinique adjoint en psychiatrie et psychologie médicale au CHU Brugmann, a déclaré avoir été «orateur ponctuel» rémunéré pour Janssen (en 2011) et Eli Lilly (en 2010 et 2011). Or Janssen commercialise les célèbres Nicorette, une gamme de produits de substitution à la nicotine, et Eli Lilly vend des médicaments pour traiter le cancer du poumon qui sont «50 fois plus générateurs de chiffre d’affaire que les aides médicamenteuses contre le tabagisme», selon un consultant français en tabacologie. Ni Janssen ni Eli Lilly n’a donc objectivement intérêt à ce que la cigarette électronique se généralise.

Autre cas, davantage interpellant, celui du Dr Kristiaan Nackaerts, pneumologue à la KU Leuven. Depuis 2006, il est consultant rémunéré par Pfizer sur la varénicline, le principe actif du Champix – le plus cher des produits de substitution dans le traitement du tabagisme. En 2008-2009, il a supervisé une étude observationnelle sur ce produit financée par Pfizer et, entre 2010 et 2012, il a coordonné une étude clinique sur ce même médicament, elle aussi sponsorisée par Pfizer. Le Dr Nackaerts a par ailleurs coordonné, de 2006 à 2008, une étude sponsorisée par Sanofi-Aventis sur un autre substitut nicotinique: la dianicline. Il a en outre testé des médicaments contre le cancer du poumon pour le compte du géant américain Eli Lilly: trois études cliniques depuis 2006.

«Pas de risque de conflit d’intérêts»

Malgré ces liens, les Dr Nackaerts et Lustygier estiment, comme le CSS, qu’ils n’ont pas d’intérêt à déclarer. «Le dossier, selon notre évaluation des experts du groupe de travail, ne présentait pas de risque de conflit d’intérêts», conclut Sandrine Everaert, Quality Manager au CSS. Une conclusion pour le moins surprenante au vu des liens que ces deux experts ont tissés avec l’industrie pharmaceutique ces dernières années.

Enfin, le passé d’un troisième expert, Michel Fondu, un ex-salarié d’Unilever spécialiste des additifs et associé à l’ULB, interpelle également. Avant d’avoir mis la main sur ce marché, les cigarettiers n’ont pas intérêt à ce que l’e-cigarette prolifère: chaque nouveau vapoteur est un client de moins pour eux. Or entre 1984 et 1988, Michel Fondu a réalisé, en toute confidentialité, de la veille législative pour Philip Morris qui finançait son centre de recherches. Un travail de veille considéré par le cigarettier comme «vital pour le succès financier de l’entreprise», selon un document interne. Cette relation suivie avec Philip Morris n’a pas empêché cet expert de siéger au Conseil supérieur de la santé depuis 1977 sans discontinuer...

David Leloup


6 commentaires:

  1. Et c'est pas fini... Quand on saura quels enjeux ont motivés l'accouchement de l'article 18 de la nouvelle directive "tabac", qui scelle la mort de la cigarette électronique en Europe...

    RépondreSupprimer
  2. Pendant des décennies, le tabac provoque le cancer et pharma-industrie obtient l'argent de médicaments ciblant le cancer. Nous savons que le jeu. Hall de Pharma n'a pas l'intention de faire des ventes à des timbres de nicotine. Patchs à la nicotine est une manière infructueuse présent pour préserver stable smokers'number. Afin d'avoir un cancer et besoin de leurs médicaments. Voir aussi mon article pour voir ici: http://tinyurl.com/ox6ermn

    RépondreSupprimer
  3. Very good article. It is amazing to see how effectively the pharma industry has used paid experts to manipulate the political process. It is no wonder they were able to get E-cigs ruled out of competition - it is the pharma doctors who are the expert witnesses.

    There is a little misunderstanding in the article, though: The reason for pharma's interest in E-cigs has nothing to do with cancer drugs. The reason is the Nicorette and Champix sales, as these have been heavily hurt by the rising E-cig sales.

    The article states about the cancer drugs, that they are: "50 fois plus générateurs de chiffre d’affaire que les aides médicamenteuses contre le tabagisme". This may be true until now, but it has no relevance since cancer hits anyone, smoker or nonsmoker, and E-cigs are not likely to change that. Smokers have more lung cancers, yes - but nonsmokers have more other cancers. There is no significant diffence in all cancer rates between smokers and nonsmokers, and no clear evidence exists that stopping smoking eventually leads to less cancer, even though it certainly may lower the risk of copd.

    As for the tobacco industry, their alleged motive for lobbying against E-cigs is not strong, since all big companies have emerged as active E-cig business players. There is a much stronger motive for not loving E-cigs among the EU nation states, since they take in 160 billion € each year in tobacco taxes.

    Thus the two warriors against the E-cigs are the pharma industry & the governments. Together they have been trying to de-normalise smoking & the tobacco industry since the invention of the nicotine gum in the 1970's. To the tobacco industry however, the E-cig - if not regulated out of existence - may be a road back to normalisation.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour votre commentaire qui a rendu les affaires plus claires. Notre ministre de santé montre quels interets elle defend... Honteux!!

      Supprimer
  4. Good work…unique site and interesting too… keep it up…looking forward for more updates.
    Cigarette Electronique

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour cet article qui montre bien la réalité des faits. On s'en doutait mais maintenant les choses sont claires.

    RépondreSupprimer